Où l'Homme trouve-t-il le bonheur ?
« La ville trouble le sang, la nature rafraîchi…"
Je comprends ce jour là à quel point la relation entre l’homme et le cosmos est source de vie. Guy Gilbert, le prêtre éducateurs des « loubards », a fait la même expérience. Dans sa ferme en Provence, les jeunes au ban de la société retrouvent eux aussi leur ré-génération.
Où l’homme trouve-t-il son bonheur ?
" Cette question, je me la posais en Europe, où je découvre souvent un climat de morosité, une insatisfaction foncière. J’ai l’impression que les individus sont empêtrés dans un autre genre d’esclavagisme. Des désirs impossibles à maîtriser, sans cesse renaissants, une course haletante sans rémission étouffent dans son germe le plaisir de vivre, de vivre l’instant : joie d’être, de respirer, de marcher, penser, dialoguer, lire, goûter son repas, regarder le ciel, la terre, les plantes, les oiseaux, les enfants, surtout la joie de sourire, de donner et recevoir la joie !
Nous touchons peut-être ici l’une des divergences essentielles : l’Africain, plus près de son enfance, reste immergé dans le présent dont il jouit simplement. Demain ne l’intéresse pas. L’Européen, toujours en quête d’évolution, est tourné vers l’avenir qu’il veut indéfiniment meilleur. D’autre part, chez les pauvres gens la relation humaine se déroule dans un climat différent.
D’abord – constatation qui paraît simplette – le siège, chaise ou fauteuil, crée une séparation spatiale. Dans la cabane sénégalaise ou chez le chiffonnier, on s’en passe car cela coûte cher. Le fait d’être assis sur « la terre mère », côte à côte, chair à chair, engendre une convivialité plus immédiate. Pas d’ameublement, de tableaux, de bibelots, rien ne distrait le regard posé sur l’autre, le copain. Le langage est décanté de tout artifice, de toute facétie factice. Que peut offrir l’homme simple, sinon l’accueil chaleureux de son être, corps et âme ?
C’est bon d’être ensemble, on existe à l’unisson. La relation, libérée de baliverne, se vit dans l’essentiel."
Propos de soeur Emmanuelle.